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  • 12/08/2011 : Iron Man 2
  • 11/08/2011 : Spin - Robert Charles Wilson
  • 09/08/2011 : Enfer sur mesure - Richard Matheson
  • 08/08/2011 : Narcose - Jacques Barbéri
  • 07/08/2011 : La Nef des fous - Richard Paul Russo
  • 05/08/2011 : Chromozone T2 Les Noctivores - Stéphane Beauverger
  • 04/08/2011 : L'Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde
  • 04/08/2011 : Chromozone T1 - Stéphane Beauverger
  • 04/08/2011 : Loterie Solaire - Philip K. Dick
  • 02/08/2011 : Les Monades urbaines - Robert Silverberg
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Iron Man 2

Par Gizeus le 12/08/2011 à 10:50 Voir l'article
Iron Man, premier du nom, m’avait beaucoup enthousiasmé. Je découvrais pour la première fois un héros qui, grâce à son intelligence et sa fortune colossale, s’était construit une armure surpuissante. Au-delà d’un scénario bien élaboré, j’avais apprécié la personnalité atypique de Tony Stark. Mes attentes à l’annonce de la sortie du second opus étaient donc fortes, et nonobstant les critiques négatives qui m’avaient été prodiguées (mais surtout parce que ce film faisait consensus), j’ai été voir Iron Man 2. Au sortir de la salle – bon je n’ai pas attendu jusque-là -, force est de constater que les mauvaises langues n’en étaient pas.

En effet, le film s’ouvre sur une scène bien longue de Tony Stark faisant une entrée fracassante dans son gala de charité (ou assimilé), qui en profite alors pour nous faire un joli speech sur l’avenir de l’homme grâce à la technologie, et sur la philanthropie légendaire des grands patrons qui œuvrent désormais pour le bien-être des hommes. Américain à l’extrême, ce commencement glorifiant le capitalisme est d’une hypocrisie détestable. Mais bref, passons. Iron Man a tombé le masque et le monde est en paix – et c’est une des raisons pour laquelle Wall Street se permet d’embellir notre quotidien. Ainsi, les conflits mondiaux ne sont plus qu’un vestige du passé grâce à l’armure d’Iron Man. Soit dit en passant, cela rappelle fortement le Dr Manhattan de Watchmen. Mais comme la technologie de l’armure intéresse la patrie, Tony Stark sera invité à livrer son armure surpuissante au gouvernement américain. C’est l’occasion d’amener une piste de réflexion sur l’utilisation d’une arme. Qui doit en être le garant : l’inventeur d’une arme peut-il être le seul utilisateur de sa trouvaille, ou faut-il au contraire confier cet avantage au gouvernement ? Hélas, si la question est pertinente, les arguments ne le sont point. Pire, les scénaristes ont eu l’ingénieuse idée de transformer ce débat entre l’armée et Stark en une simple chamaillerie d’écolier, remportée par le plus impertinent et le plus con des deux.

Et nous atteignons là le fond du problème : d’un côté comme de l’autre, nous sommes confrontés à des personnages totalement caricaturaux, vidés entièrement de leur substance. Si l’on avait aimé le Tony Stark du premier opus, on retrouve ici le milliardaire entièrement transformé. L’homme cynique s’est transformé en vieux con prétentieux et narcissique. Et ce n’est pas sa mort imminente (ouh on y croit…) qui le rendra plus attachant. J’ai eu la nette impression que le public ciblé était les jeunes ados boutonneux, qui se balancent des vannes insipides tout en s’esclaffant de leur trait d’esprit indomptable. Et en face de Stark, nous avons des larves vivantes, sans contenance ni mesure de soi. Mièvres et naïfs la plupart, au comble du grotesque pour le vil traître à sa patrie, à peine la secrétaire (interprétée par Gwyneth Paltrow) tire-t-elle son épingle du jeu. En effet, c’est bien la seule à avoir conservé son jeu d’acteur au niveau du premier volet. Et même si ce n’était déjà pas fameux, force est de reconnaître que son rôle pathétique est le mieux interprété. Quant à la palme du rôle inutile, il revient sans conteste à Scarlett Johansson, dans le rôle de l’agent sexy qui ne sert qu’à attirer les mâles en rut.

Bon, les personnages sont totalement loupés, mais on se dit que l’histoire va rattraper tout ça. Après tout, c’est un film de super héros, il y a de l’action. Effectivement, on a droit à quelques scènes d’action. Mais comme tout le reste, on s’aperçoit que là aussi c’est minable. Les scènes d’action sont totalement loupées, elles sont d’un irréel rarement atteint. Attention je ne vais pas hésiter à spoiler, donc si vous comptez malgré mes mises en garde dépenser inutilement vos deniers, zappez directement à la conclusion. Par exemple, la scène du Grand Prix est, à l’instar de toutes les autres scènes du film, un foutage de gueule complet. A l’aide de sa haute tension portable, le méchant russe (oui, on n’évite pas les poncifs du genre) tranche en deux une voiture de course style formule 1 qui fonce droit sur lui à environ deux cents à l’heure. Non content de cet exploit, il le répète avec succès sur la voiture du héros milliardaire, qui, comme par hasard, a éjecté le pilote de son équipe pour lui piquer la place. Une fois échoué sur le bas-côté, sans grand dommage malgré le rude choc, Stark se hisse hors de l’épave et se retrouve démuni face au grand méchant russe. Discours de vengeance de rigueur et phase d’intimidation, c’est à la surprise générale qu’Iron Man se tire d’embarras en échappant aux lacérations meurtrière de son adversaire, qui décidément a bien plus de mal avec un humain pataud qu’avec une formule 1 en plein élan.

Mais si ce n’était que ça ! Non, les scénaristes ont vu grand, et ils osent sans vergogne surenchérir dans le n’importe nawak en organisant le sauvetage de Stark par sa secrétaire et son chauffeur. Accrochez-vous ça va chauffer, parce que la Rolls d’Iron Man défonce les barricades et fonce à contresens sur le circuit pour se dépêcher d’éviter le pire. A ce sujet, je ne résiste pas à la tentation de vous livrer une phrase culte dans cette situation, émise par la secrétaire : « Attention une voiture ! ». Un autre exemple du foutage de gueule manifeste se trouve un peu plus loin, quand Stark construit seul et avec quelques bouts de tuyaux, un accélérateur de particules pour fabriquer un nouvel élément. Affligeant.

Je pense qu’il est inutile d’épiloguer, Iron Man 2 est un désastre sur tous les points. Tous les ingrédients nécessaires au nanar sont présents : rôles artificiels, histoire totalement bidon, qui enchaîne sans sourciller moults incohérences, pseudo-réflexion qui va dans le sens d’une Amérique capitaliste. Bref, un pétard sacrément mouillé et qui fait mal à voir, autant que la déchéance de Stark, réduit ici à un simple super-héros couvert de strass et paillettes.


Notez le regard illuminé

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Spin - Robert Charles Wilson

Par Gizeus le 11/08/2011 à 10:50 Voir l'article
L'extinction de l'espèce humaine n'est pas chose nouvelle en science-fiction, on pourrait même dire qu'elle fait partie des poncifs. Néanmoins, Robert Charles Wilson offre une nouvelle approche avec Spin, qui obtint le prestigieux prix Hugo, immédiatement suivi par le Grand Prix de l'Imaginaire. Mais à l'inverse d'autres ouvrages, je n'ai pas abordé Spin en escomptant un chef d'oeuvre, je l'ai pris comme il venait, et je ressors déçu de ma lecture malgré toute l'originalité qu'il convient de reconnaître ici. 


Tyler Dupree n'a que douze ans lorsque les étoiles disparaissent dans le ciel. La nuit s'est éteinte. La raison de ce phénomène? Le spin, une mystérieuse barrière englobant la Terre, qui absorbe toutes les variantes du spectre électromagnétiques. En d'autres termes, le planète est isolée, et le soleil lui-même n'est qu'une imitation. Mais la seconde propriété du Spin est bien plus inquiétante : à l'intérieur de la membrane le temps ralentit inexorablement, alors qu'au dehors les millénaires défilent à toute allure. A brève échéance, la Terre est condamnée, car le Soleil, lui aussi, est mortel, et s'effondrera sur lui même lors de son agonie, dans une cinquantaine d'années terrestres au plus tard.
 
Mais certains hommes n'ont pas abdiqué. La fondation Périhélie, créée sous l'impulsion d'E.D. Lawton, a pour mission d'en découvrir le plus possible sur le Spin, et de trouver une solution. Un de ces scientifiques est le fils de Lawton, Jason, le meilleur ami de Tyler Dupree. Ce dernier sera d'ailleurs un témoin privilégié des bouleversements liés au Spin, en suivant les avancées de Jason, mais aussi des déboires de la soeur cadette des Lawton, Diane.
 
Tout au long des 600 pages qui composent son récit, Robert Charles Wilson nous entraine à la découverte d'un monde qui, lentement, a basculé dans la morosité. L'échéance de la vie, bien que relativement abstraite, a insensiblement gagné toute une partie de la population. De fait, ce n'est pas un monde en plein chaos qui nous est présenté, mais plutôt sa lente dégénérescence, qui se manifeste notamment en zone rurale, les villes continuant comme si de rien n'était. Ce sont donc quelques symptômes qui mettent la puce à l'oreille de Tyler.
 
Un de ces signes, impossible à louper, se manifeste notamment par une recrudescence du mysticisme. Le monde subit une véritable crise de foi, et la religion, déclinée à toutes les sauces, attire de plus en plus d'adeptes. Pour ces communautés, le Spin est un événement divin, et les écritures sont interprétées diversement, provoquant autant de schismes que de querelles. Wilson propose ainsi une vision assez péjorative de la croyance. Tout en pointant du doigt l'homme en lui-même, il n'épargne pas les contraintes que provoquent l'attachement irrationnel dans la foi. C'est en la personne de Diane que se manifeste ce sentiment, qui sous des couverts de bonheur est prisonnière des chaînes qu'elle s'est elle-même passées.
 
On notera ainsi une dualité entre le frère et la soeur, entre Diane et Jason. Alors que Diane est perdue dans ce monde aux frontières bouleversées, Jason se consacre lui à établir ses frontières de manière rationnelle, scientifique. A sa manière, il est obsédé par le Spin, et voue sa vie à comprendre ce phénomène. Wilson transpose le conflit science-religion sur le plan familial.
 
A ce propos, la famille tient un rôle prépondérant, au point de prendre le pas sur le Spin pour se pencher sur les états d'âme des protagonistes. Par extension, on peut dire que l'auteur s'attarde sur ses personnages. En effet, il n'est pas rare de se trouver confronté à de longues parties pendant lesquelles l'accent est mis sur les relations entre les protagonistes. Comme dit vulgairement, ça passe ou ça casse. Et dans mon cas, ça a bloqué. Bien entendu, il est toujours agréable de se retrouver face à des caractères travaillés, mais ici, à l'exception de rares moments, ce qui aurait dû passer pour une aventure humaine passionnante s'est révélée être une suite de passages insipides, pas forcément inintéressants, mais diablement longs à quelques instants. Chacun se fera son idée, et la mienne ne semble pas être la plus répandue, mais j'ai trouvé les personnages assez fades dans l'ensemble. Oui tout ça semble crédible, mais à vrai dire peu de personnages, dont le narrateur, m'auront vraiment été sympathique à un moment donné. Ainsi, certaines tranches de vie me sont apparues dispensables et ont pesé sur la lecture.
 
Néanmoins, si ces épanchements sont assez fréquents, Wilson n'oublie pas de tisser admirablement bien son histoire. Le monde subit une ribambelle de bouleversements, plus ou moins graves, que l'auteur n'hésite pas à expliciter en détail. On sent derrière tout ça une documentation bien fournie, notamment dans les domaines de la physique et de la médecine, quoique ce dernier m'ait un peu moins enthousiasmé. Même si les connaissances requises pour aborder assez sereinement l'ouvrage ne sont pas très élevées, il vaut mieux avoir suivi une formation scientifique au lycée, et bien évidemment ne pas être en froid avec les domaines évoqués. De plus, même si on a le temps de s'ennuyer, l'histoire regorge de rebondissements, et l'on sent alors toute l'intelligence de l'auteur, qui transforme à merveille certaines contraintes en avantages. J'en retiendrai une seule incohérence, vraiment pas représentative de l'ensemble : à moins que le Spin ne simule également les effets lunaires – ce qui n'est jamais indiqué -, on ne peut se servir des phénomènes de marée pour savoir si la Lune est toujours présente au début du Spin, quand les hommes sont "aveugles".
 
Dernier reproche, il concerne le style de l'auteur. La première personne n'est pas dérangeante, bien des ouvrages exploitent avec succès ce point de vue, mais l'utilisation du passé composé au lieu du traditionnel passé simple fut assez déstabilisant au départ. Peut-être même le fut-il aussi par la suite, puisque le style, sans être pénible, ne me retenait pas, en dépit de quelques passages fugaces qui m'ont semblé de toute beauté.
 
Somme toute, c'est un bilan mitigé qui se dégage de Spin. Indéniablement, l'ouvrage fourmille de trouvailles intéressantes, et la partie hard-SF m'aura intéressé là où j'aurais cru m'ennuyer à certains endroits. Sur un plan personnel, cela augure de bonnes découvertes de ce côté-ci de la SF. Néanmoins, les deux défauts récurrents que sont cette propension à la longueur et le style peu apprécié de Wilson m'auront gâché la lecture. Une version courte de l'ouvrage m'aurait certainement mieux convenu.
 
 
d'autres critiques, plus favorables celles-là :
Sandrine, Guillaume
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Enfer sur mesure - Richard Matheson

Par Gizeus le 09/08/2011 à 10:50 Voir l'article
Richard Matheson est un écrivain de science-fiction et de fantastique qui n'est plus à présenter. Pour les moins versés dans le genre, citons seulement son oeuvre phare Je suis une légende, dénaturé au cinéma pour coller aux carcans hollywoodiens. Enfer sur mesure est un recueil de cinq de ses nouvelles, qui ont pour dénominateur commun de traiter de l'Art. A vrai dire, j'ignorais tout de ce recueil avant qu'on impose cette lecture à ma soeur pour le lycée, et il est agréable de constater qu'on donne des lectures de la sorte aux gamins, même si la majorité aura besoin d'un décodage pour en comprendre la portée.


Effectivement, ces cinq nouvelles peuvent être considérées comme des apologues, à plusieurs degrés de lecture pour certaines. Mais le mieux reste d'en parler au cas par cas, car Matheson traite de l'Art de diverses manières.
 
La première nouvelle, qui donne son titre au recueil, met en scène une scène de famille légèrement décalée. Un vieillard dans son lit est entouré de sa famille et de son médecin, et se plaint bruyamment qu'on veuille l'assassiner. Dénégation évidente de l'autre camp, ponctués d'échanges truculents par moment en raison du dédain marqué de l'ancêtre. Si l'on y regarde de plus près, on constate que c'est la condition de l'artiste qui est exposée. Le mourant est un poète, doublé d'un sémanticien, qui se voit accablé par la société entière, poussé au trépas avec une absence totale de remords. Quant à l'enfer où atterrit l'artiste, il met en relief l'angoisse d'un monde où les mots n'ont plus de sens réel (n'oublions pas, le vieux est sémanticien), où règne le conformisme.
 
Tout de suite, l'ouvrage embraye avec Avis à la population. Il est question cette fois-ci d'une lettre d'un écrivain de SF à son agent, où il lui explique les raisons pour lesquelles il ne peut plus pratiquer son art. L'explication tient au fait que ses écrits sur les martiens prennent corps dans le monde. Le thème de l'histoire qui prend vie n'est pas nouveau, mais en le transposant à la science-fiction Matheson lui donne un nouveau souffle en soulignant la portée de l'anticipation.
 
On en arrive à la nouvelle la plus courte, Cycle de survie, qui trompe le lecteur en lui faisant croire que l'on suit le parcours d'une nouvelle, de sa création à sa lecture. En vérité, c'est le cheminement de l'inspiration qui nous est décrit, de manière fort surprenante qui plus est.
 
Quant à la quatrième nouvelle, Mantage, c'est celle qui risque d'en rebuter plus d'un. La lecture n'est pas des plus évidentes, mais la forme sert à merveille le fond. En effet, un jeune écrivain, lassé par les procédés cinématographiques, fait le souhait saugrenu que sa vie se déroule de la même manière, éclipse les mauvais instants pour ne garder que les meilleurs. Dès lors, sa vie nous sera racontée sous forme de flashes, et la narration parvient avec brio à transposer à l'écrit le concept de scènes sans transition. Cette transposition du cinéma à l'écrit est originale, puisqu'elle met en exergue les codes du média originel avec lesquels Matheson s'amuse habilement –mais peut-être n'était-ce pas le but. De plus, cette nouvelle recèle plusieurs niveaux de lecture. Le temps qui passe, trop vite, est bien entendu présent ; mais c'est surtout pour souligner le caractère étrange du protagoniste, qui a conscience de sa situation. Le personnage de fiction s'interroge sur sa condition vis-à-vis de l'histoire, et se demande s'il peut influer sur ses actes. Mais, à mesure que défile sa vie, il cesse de douter de son état pour en obtenir la révélation finale.
 
Le problème de l'existence d'un personnage de fiction se pose également dans la nouvelle suivante, Je suis là à attendre, en abordant cette fois-ci le point de vue de l'écrivain. Un homme va s'expliquer avec le mari de sa soeur, qui est accusé de la tromper, et se rendra compte de la manière étonnante dont ce dernier est infidèle. C'est là un récit qui montre la puissance imaginative de l'écrivain, mais aussi son danger, une perte de repères avec la réalité. Si la tension dramatique est croissante, la chute est quant à elle un peu trop prévisible.
 
Finalement, ce fut une lecture assez rapide, et agréable dans l'ensemble, en dépit d'un style un peu daté. Matheson ne manque pas d'humour, et ce dernier frappe d'autant plus qu'il se conjugue avec le fantastique qui émane des récits. La condition de l'artiste est donc traitée sous plusieurs angles, et rendue plus attractive grâce à une mise en abîme souvent convaincante. D'un point de vue qualitatif, l'ensemble est assez homogène et mérite que l'on y fasse un détour.
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Narcose - Jacques Barbéri

Par Gizeus le 08/08/2011 à 10:46 Voir l'article
A mon grand étonnement, me voici en mesure de vous proposer une présentation correcte du premier tome de Narcose, trilogie réalisée par Jacques Barbéri, disponible aux éditions La Volte. Je m'étonne en effet, car au sortir de ma lecture, au demeurant lointaine, j'avais au final peu d'éléments à soumettre à la critique. Quelques éléments couchés sur phosphore et arrangés pour l'occasion me permettent une fois encore d'étaler sous vos yeux avides de lectures mes impressions qui, je dois le reconnaître avec toute l'humilité dont je me sens capable, m'étonnent moi-même malgré la haute estime en laquelle je me porte. Mais avant de vous lancer tout de go dans la contemplation avide de ce modeste billet qui vous ravira en tous points, permettez-moi d'apporter une petite précision quant aux diverses éditions disponibles. Le premier volet de Narcose vit pour la première fois le jour en 1989, aux éditions Albin Michel. C'est cette version que vous trouverez au format poche. Puis la trilogie entière fut éditée à partir de 2008 chez La Volte, et la présente publication fut par là-même revue et augmentée, et agrémentée de la bande-son du livre, composée par Barbéri lui-même. C'est donc cette dernière que je me suis procurée.
 

Comme je l'ai spécifié en introduction, je m'étonne déjà d'avoir quelque chose de vaguement intéressant à dire sur Narcose. C'est pourquoi je vous demande la plus grande indulgence quant au synopsis ci-dessous, vulgairement copié sur la quatrième de couverture. Eh oui, je souffre à mon tour de la panne sèche version résumé d'ouvrage.
 
Narcose, ville-rêve… Anton Orosco, artiste de la magouille, doit fuir. Son salut passe par l’extrados, la zone urbaine des marginaux peuplée par une faune étrange, décalée, où les lolitrans croisent des humains à tête d’animal. Mais se cacher est inutile. Autant changer de corps. En s’embarquant dans une course à la chirurgie plastique, Anton ne pensait pas finir dans la peau d’un lapin. Ni rencontrer Célia, l’adolescente mystérieuse capable de franchir l’envers du décor. Bourré d’amphécafé et de scotch-benzédrine, Anton traverse à toute allure un univers grouillant et instable. En quête d’une issue. D’un plancher tangible. Car à Narcose, lorsqu’on tombe, c’est peut-être le sol qui monte.
Roman halluciné, Narcose se présente enfin au lecteur sous sa forme achevée, premier volet d’un triptyque édité par La Volte. Jacques Barbéri gonfle un univers délirant jusqu’aux limites de l’explosion.

  L'entrée en matière est sèche et brutale. Barbéri nous plonge dans son monde de manière crue, sans se soucier du lecteur qui devra raccrocher les wagons par la suite. Quel est cet univers ? que signifient ces néologismes barbares ? sont des questions auxquelles le lecteur devra répondre seul, sans trop attendre d'aide de la part de l'auteur. Sans trop en dire, Narcose est « réellement » un univers étrange, issu d'un cerveau dérangé ; et les créatures hallucinées se démènent avec une science qui permet toutes les exubérances corporelles, entre autres.

De plus, le schéma narratif de Barbéri déroute un peu. Une quinzaine de parties découpés en petits chapitres, dont la taille excède rarement la dizaine de pages. On sent derrière cela une volonté d'aller à l'essentiel, en multipliant les ellipses qui pourraient ralentir le rythme. Et le moins que l'on puisse dire c'est que ça fuse. Moins de 200 pages suffisent à nous faire vivre une aventure menée tambour battant. Mais il faudra tout de même attendre le tiers du livre environ pour que l'histoire décolle. En effet, les fils de la trame se mettent lentement mais sûrement en place, et la fin ne laisse aucun doute à ce sujet.

Quelle qu'en soit la raison, j'ai eu du mal à m'immerger dans la lecture. Peut-être est-ce du au style de Barbéri, qui écrit au présent. Ou alors le caractère fractionné de son écriture, qui hache volontairement le rythme. Néanmoins, on ne peut nier un imaginaire débridé à propos des descriptions. De l'inédit, du jamais vu en ce qui me concerne. A ce niveau-là, c'est du très grand art.

On notera également un hommage vibrant à l'Alice de Lewis Carroll, qui s'inscrit à merveille dans l'histoire.

Il me reste à vous parler de la bande son fournie avec le livre. Une fois n'est pas coutume, un ouvrage édité chez La Volte bénéficie d'un accompagnement audio. Mais on notera cette fois-ci que le compositeur est aussi l'auteur. Il est compliqué de parler en détail des divers morceaux, mais on distingue des sonorités dures, rêches, métalliques, qui pourraient se faire l'écho de l'écriture du bouquin. A la limite de l'agression pourrait-on dire. Mais j'ai beaucoup aimé. Vraiment. Je pense d'ailleurs me tourner vers les autres compositions musicales de Barbéri, qui est musicien de profession, et n'en est pas à son coup d'essai.

Somme toute, je ne saurais pas dire si j'ai aimé ou pas. D'un côté, il m'aura fallu du temps pour pénétrer dans cet univers, et de l'autre, une fois rentré, c'était une expérience dépaysante et plaisante, mais qui est survenue un peu tard, vers le dernier tiers. J'en conseille la lecture aux personnes averties, qui ont déjà de la bouteille. Personnellement, je continuerai à m'intéresser à Barbéri. Quant à ceux qui ont tout lu Dick, il parait qu'ici l'élève offre une version plus vertigineuse encore que celle du maître. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est le Cafard.
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La Nef des fous - Richard Paul Russo

Par Gizeus le 07/08/2011 à 10:00 Voir l'article
Ayant beaucoup entendu parler de ce titre, je m'attendais à un cru d'exception, à trouver de la SF comme je l'aime, porteuse d'une réflexion ambitieuse. Inutile d'en faire une tartine, je n'ai pas vraiment trouvé ce que j'attendais. Néanmoins, je n'en ai pas pour le moins passé un mauvais moment. Si la lecture m'a peu passionné pendant une bonne partie du milieu, j'ai plus l'impression que l'explication tient dans les dispositions relativement mauvaises dans lesquelles j'étais, car la recette ne change jamais.


En effet, cette recette pourra en rebuter quelques uns. Divisé en trois parties, le livre s'attache à nous conter le devenir d'un vaisseau spatial, L'Argonos, dans lequel s'entassent depuis des générations des hommes qui n'ont pas ou n'ont plus la moindre idée du but originel du vaisseau. La hiérarchie interne n'est pas non plus surprenante, et l'on retrouvera facilement une stratification des plus évidentes. A travers Bartolomeo, conseiller officieux du capitaine, lui-même ami d'enfance du héros, nous découvrirons les manigances politiques qui se trament à bord. Face au capitaine, l'évêque Soldano se positionne en adversaire officieux mais farouche, dont l'ambition est manifestement la prise du contrôle du vaisseau. On notera au passage une référence directe au conservatisme religieux incarné par l'évêque, qui défend la position d'un vaisseau existant depuis toujours, malgré l'existence d'une Terre originelle et depuis longtemps visitée et dévastée. Un acte un peu maladroit de mon point de vue, qui ôte une part de crédibilité à un homme résolument intelligent. En restant dans le cliché, sans être pour autant désagréable, l'équipage détectera une émission en provenance d'une planète inconnue, qui l'amènera à l'explorer et à y faire une découverte macabre.

Mais je m'arrête ici de peur de trop en dire. Si l'histoire n'est pas foncièrement originale, elle demeure tout de même prenante, malgré la lenteur du rythme. Il est dommage que l'auteur, en poussant trop loin les réflexions de Bartolomeo, appesantisse son récit. Les pensées se bousculent souvent, et hachent incontestablement le rythme. Un peu plus de dialogues à la place de ces pensées omniprésentes auraient certainement contribué à dynamiser un peu le tout. Par ce biais, les personnages auraient également gagné un peu plus en profondeur ; non pas qu'ils soient creux, mais ils sont peu présents, remplacés par les pensées argumentées de Bartolomeo. De fait, on cerne assez peu les protagonistes, et j'ai même eu un peu de mal à cerner le tempérament du héros. Cependant, il faut reconnaitre qu'on a affaire à un héros qui réfléchit beaucoup, qui s'interroge sans arrêt sur les conséquences de tel ou tel choix, et bien que ce procédé soit appréciable, l'overdose provoque le ralentissement du rythme. On notera cependant quelques réflexions ponctuelles, la plupart n'étant pas forcément très poussées, comme celle sur la liberté qui ne vole pas très haut. En revanche, j'ai plus apprécié le mini-discours métaphysique. Mais dans l'ensemble, il faut rechercher l'aventure plutôt que la réflexion.

Bref, il y avait matière à faire plus addictif. Le gros reproche concerne incontestablement la narration. En nous enfermant dans la tête de Bartolemeo, on ne se rend pas compte de sa différence vis à vis des autres. Le rythme est souvent lent mais pas forcément inintéressant, et l'aventure se laisse suivre agréablement. On notera tout de même un certain manque d'originalité, pas forcément déplaisant.
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Chromozone T2 Les Noctivores - Stéphane Beauverger

Par Gizeus le 05/08/2011 à 09:50 Voir l'article
Second volet du triptyque Chromozone, Les Noctivores, paru en 2005 aux éditions La Volte, évolue dans la continuité de son prédécesseur. Pas de mauvaise surprise donc, on reste en terrain connu, malgré un début qui bouscule les repères qu’avait établis le premier opus.


Nous débutons en la compagnie d’un étrange garçon dénommé Cendre, considéré comme le messager du Divin dans sa petite communauté recluse. Cependant, le messie n’est peut-être pas celui des Soubiriens révélés, mais bien plus vraisemblablement celui de Khaleel ou de Peter, désormais ennemis après les événements survenus huit ans auparavant.

Premier constat après cette lecture, il apparait que certains défauts du premier tome, qui étaient passés inaperçus, sont ici cruellement exposés. Car en découvrant le nouvel aspect du monde, Stéphane Beauverger nous dévoile en même temps les éclaircissements des situations passées, qui, avouons-le, demeuraient malgré tout dans un certain flou. Cependant, et attention ça va spoiler sur le premier tome, la manipulation de Teitomo n’est pas suffisamment explicitée pour être convaincante. Et on patauge encore pendant quelques temps avant de découvrir le cadre temporel, alors que l’explication de la cause de la dévastation du monde était également poussive dans le premier tome.

La narration est un des grands changements de ce volet. Alors que nous naviguions entre chaque personnage dans le tome précédent, ici l’histoire est racontée de manière plus ou moins linéaire. Le récit est fragmenté en trois grandes parties, qui s’attachent chacune au devenir d’un protagoniste. Le début s’installe donc plus rapidement qu’auparavant, bien qu’on mette du temps à faire le lien avec les événements passés, mais perd le charme de la narration alternée. Ainsi, malgré une linéarité que Beauverger tente de rompre, je me suis surpris à m’ennuyer pendant certains développements du milieu (à mettre éventuellement sur ma faible motivation de lecture à ce moment). Certains passages semblent trainer un peu en longueur, paraissent moins denses, et hachent ainsi le rythme. Toutefois, les événements s’imbriquent logiquement les uns dans les autres, et malgré quelques questions en suspens - pas tellement négligeables -, qui font office de deus ex machina, la trame est maîtrisée.

Pourtant, on retrouve certains personnages qu’on avait laissés huit ans en arrière. Les épreuves les ont souvent transformés, alors que d’autres ont su résister aux affres du temps. Le messie, Cendre, est certainement le benjamin du panel de rôles, mais il bénéficie d’une personnalité somme toute joliment étudiée, bien qu’il soit le moins intéressant de l’histoire à mon avis. Dans l’ensemble, rien à redire sur ce point particulier, les personnages ne manquent pas d’épaisseur.

On retrouve encore une fois cet esprit grinçant, logiquement moins surprenant. L’ambiance reste toujours dans le post-apocalyptique, et la vie reste rude pour beaucoup de populations, ou presque. La géopolitique est bien étudiée, ne laisse pas grand-chose au hasard. Mais une fois encore, certains thèmes auraient mérité d'être approfondis, comme celui des Noctivores. Bien que traité par Asimov - je ne dirai pas où pour ne pas spoiler -, il aurait été agréable de voir les noctivores s'inscrire dans une réflexion de plus grande ampleur. A moins que l'auteur ne garde ses idées au chaud pour la suite.

Dans l’ensemble, Les Noctivores est un bon bouquin. Pas forcément une suite brillantissime, qui accuse les défauts de son prédécesseur tout en les exposant. Cependant, la série se renouvelle suffisamment pour présenter un réel intérêt. De plus, j’ai carrément été emballé par le dernier quart, qui clôt de façon trépidante ce volume. Il ne reste plus qu’à voir le dernier tome, qui nous dira si Beauverger propose des explications plus convaincantes, ou si les défauts évoqués sont bien irréversibles.
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L'Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde

Par Gizeus le 04/08/2011 à 17:45 Voir l'article
Robert Louis Stevenson est avant tout connu comme étant l'auteur du roman culte L'Île au trésor. Pour ma part, j'ai découvert en ouvrant L'Étrange Cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde, que l'écrivain écossais était également l'auteur de cette fameuse nouvelle, dont je me suis fait le cas de rattraper mon ignorance de l'histoire originelle.


Si tout un chacun ou presque connait le secret de l'oeuvre, peu de personnes en revanche sont au fait du déroulement de l'histoire. Dans la nouvelle, le mystère touche d'abord Mr Utterson, grand ami des docteurs Jekyll et Lanyon. En tant que notaire, Utterson est le dépositaire du testament de Henry Jekyll, dont le contenu ne lui est pas étranger. En cas de décès ou de disparition de son ami, toute sa fortune reviendrait à un mystérieux Mr Hyde, qui bénéficie du soutient inconditionnel du docteur. Déjà inquiet par les volontés de Jekyll, les craintes du notaire redoublent lorsqu'il apprend que Hyde se révèle être un homme violent, et qui inspire une répulsion instinctive à qui le croise.
 
Stevenson a bâti son intrigue de manière à titiller avant tout le suspens du lecteur. En effet, l'accent est mis sur la dérangeante personnalité de Hyde, qui est une source de questionnement pour Utterson, mais également pour les domestiques du docteur Jekyll, chez qui il a tout crédit. Si Hyde inquiète et fascine le lecteur, c'est surtout parce qu'on le voit peu. On ne le découvre qu'à travers divers récits qui rapportent ses méfaits. Néanmoins, pour un lecteur qui connaitrait le fin mot de l'histoire, les multiples rebondissements que s'efforce d'intégrer l'auteur pour dynamiser le récit n'arrivent pas forcément à éveiller sa curiosité, puisque le rapprochement est rapidement effectué. Donc, à moins d'arriver à oublier la vérité le temps de la lecture – ce qui n'est pas du tout évident quand on est malade, je vous prie de me croire -, on aura du mal à se prendre au jeu du suspens et être captivé par l'histoire.
 
Mais n'allez pas croire que la lecture fut fastidieuse, loin de là. En fait elle s'est révélée agréable, notamment grâce au style de Stevenson. J'étais curieux de voir si une plume d'un âge mûr me serait agréable, et heureusement, ce fut le cas. J'ai beaucoup aimé son écriture, et plus particulièrement la syntaxe, avec des phrases un peu plus longues que la moyenne. Mais bref, passons. L'autre facteur appréciable réside dans le rythme de l'intrigue. Celle-ci évite les longueurs et ne s'encombre pas de détails inutiles, évitant par bonheur les descriptions interminables.
 
On remarquera cependant que Stevenson fait preuve d'une certaine audace narrative à la fin, qui contribue à maintenir la tension tout en dévoilant au fur et à mesure le mystère. Pour lever le voile sur les divers agissements des protagonistes, l'écossais n'hésite pas à donner la parole à ses personnages, quand rien ne le prédisposait. On découvrira dans un premier temps la version de Lanyon, puis la vérité dans une lettre écrite par Jekyll à l'intention d'Utterson. A cet instant, le récit prend une tournure différente, et le docteur cyclothymique nous livre sa version des faits.
 
Arrivé ici, je conseille à ceux qui n'ont pas encore connaissance du mystère (mais qui l'ignore encore ?) de sauter cette partie puisque ça va spoiler. [SPOILER]. Avec la confession de Jekyll, Stevenson en arrive au coeur de son oeuvre. Le docteur se fait le héraut de l'auteur quand il expose sa vision de l'homme, selon lui pétri de bien et de mal ; et c'est afin de séparer le juste de l'injuste que Jekyll concocta le breuvage permettant cette scission, pour que ces deux individualités puissent suivre leur chemin sans être accablé des sentiments contraires de son antagoniste. Séparer la conscience de l'instinct, détacher la pensée du corps pourrait-on dire. Il s'agit de montrer que les besoins physiologiques sont tout autant des composants de l'Homme que ne l'est sa conscience. D'autres iront plus loin, comme Nietzsche, qui fustigera plus tard les contempteurs du corps. C'est aussi l'interprétation que l'on peut faire du livre, où la société de l'époque désavoue pleinement les pulsions, donc le corps. On peut y voir une négation de l'Homme, du moins en partie, voire même la répulsion de cette facette, puique tous haissent Hyde au premier coup d'oeil. Néanmoins, Stevenson s'intérroge sur la multiplicité de l'Homme, et doute de la dualité qu'il défend. [/SPOILER].
 
Au final, on pourrait douter de l'intérêt de ce livre aujourd'hui. Il est toujours intéressant de revenir sur les grands classiques qui hantent encore notre époque, d'élargir sa culture ; mais victime de son succès, le récit s'est vu éventé de son suspens, autour duquel est construite l'intrigue. De plus, l'exploration de l'âme humaine menée par Stevenson a été menée plus en avant par certains, même si l'on peut considérer le livre comme une entrée en matière intéressante. Cependant, il ne faudrait pas mettre de suite au rebut cet ouvrage. Le divertissement peut s'avérer suffisamment plaisant pour peu qu'on se laisse emporter par la plume de l'auteur, puis découvrir les pensées intimes de Jekyll.
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Chromozone T1 - Stéphane Beauverger

Par Gizeus le 04/08/2011 à 12:25 Voir l'article
Après Le Déchronologue du même auteur, qui m’avait légèrement déçu en regard de mes attentes, j’ai décidé de remettre le couvert avec Stéphane Beauverger avec la trilogie qui l’avait révélé, c’est à dire Chromozone. De plus, le sujet m’attirait. Moi qui n’avais jamais lu de post-apocalyptique, l’occasion était trop belle pour la laisser passer, d’autant plus que La Route, dans un autre registre, m’avait rapidement lassé.
 

Alors que je m’attendais à une sorte de survival, un témoignage d’une survie au quotidien, j’ai eu la surprise de pénétrer dans un monde en pleine reconstruction, après qu’un virus militaire, Chromozone, ait rendu tous les dispositifs informatiques obsolètes. Pour pallier à cet inconvénient, des méthodes de phérommunication – communication par l’odeur – ont été développées. Ces dernières sont d’ailleurs fortement utilisées, notamment par les sociétés formatives, des communautés qui n’hésitent pas à mixer programme social et religieux, mais dont le règne est souvent éphémère.

Nous suivrons divers protagonistes, au rôle obscur au départ, dans le sens où l’on se demande bien comment tous ces fils éloignés vont se rejoindre par la suite, comment la fusion s’opèrera. De Marseille à Berlin, en passant par la Bretagne, tous auront néanmoins un rôle déterminant à jouer, du plus infime au plus important. Cette lente synergie, qui trouvera son aboutissement à la fin de ce tome, peut donner l’illusion d’un rythme lent, posé. C’est en effet le cas, mais ce n’est pas pour autant que l’intrigue n’est pas étoffée, car l’ouvrage regorge d’une masse de détails qui n’en sont pas tellement. Et dans ce luxe de fausses contingences, se niche un fil directeur à moitié dissimulé au lecteur : si l’on croit sincèrement aux réactions des personnages, on a en revanche plus de mal à envisager la volonté sous-jacente de l’auteur, dans le sens où il n’y pas de fil directeur bien défini. C’est donc dans ce demi-flou, qui contribue fortement au maintien de la tension, que s’effectue une bonne partie de la lecture. Et finalement le puzzle éparpillé se reconstruit logiquement, naturellement, au point que les dernières scènes relèvent de l’évidence même. Y’a pas à dire, Beauverger maîtrise son sujet de bout en bout, et l’on sent clairement le métier de scénariste dans tout ça.

Le récit est parsemé de thématiques qui, à défaut d’être originales restent relativement intéressantes. On retiendra par exemple l’inversion des races dominantes, suite au chambardement des échelles de valeur dans un monde privé de cols blancs. L’occasion pour l’auteur d’exposer ses idées sur le racisme. Ca reste dans la tendance mais ce n’est pas désagréable. Ou encore une légère critique sur la protection à outrance de ses biens, à l’aide d’un néologisme explicite. De la même manière, on lira son idée sur les gouvernements dans l’expression qui les désigne, celui de « sociétés formatives », où se retrouve la notion de formatage social. Mais c’est surtout dans le titre en lui-même qu’il faut chercher le grand thème, celui de la « zone de couleur », qui désigne implicitement notre contrée, le cosmopolitisme qui règne en France et par extension en Europe et dans le monde. On pourra également y déceler une thématique communautaire que je trouve néanmoins peu exploitée, ou pas suffisamment.

Mais ce qui tranche avec Le Déchronologue, c’est surtout le style. Tous ceux qui ont lu le quatrième roman de Stéphane Beauverger s’en souviennent, le narrateur jouait avec les termes d’antan pour nous ancrer dans son époque et créait un effet bonhomme délicieux. Ici, au contraire, la troisième personne se fait grinçante, parfois mordante, plus sobre et conventionnelle, sans pour autant être bâclée. L’ambiance post-apocalyptique est plutôt prenante, d’autant plus qu’on n’échappera pas aux divers affrontements des factions en lutte pour le pouvoir. On retiendra également un goût prononcé pour les jurons délurés, que l’auteur semble prendre plaisir à inventer.

Bref, en un mot comme en cent, ce premier tome de Chromozone est pour moi une réussite indéniable sur le plan de l’histoire. Pas linéaire pour un sou, un suspens qui nous tiraille tout au long de la lecture, des personnages charismatiques. De plus, le ton sait parfois se faire grinçant, et nous offre quelques passages parfois jubilatoires. Comme le dit Mathias Echeney, fondateur de La Volte, propagez Chromozone !
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Loterie Solaire - Philip K. Dick

Par Gizeus le 04/08/2011 à 12:19 Voir l'article
Premier roman publié de Philippe Dick, celui qui sera considéré comme un des grands pontes de la SF, Loterie Solaire m'a plutôt réconcilié avec l'auteur que j'avais découvert à travers Ubik, bien que je n'ai pas passé un mauvais moment avec ce dernier. 

 
Ted Benteley vient de se faire congédier d'une des cinq Collines, les plus gros groupes industriels de la planète. Déçu par ce système capitaliste, il décide d'oeuvrer pour le Directoire, et s'inféode alors sous la coupelle du Maitre du Jeu Reese Verrick. Malheureusement pour lui, la saute de la Bouteille a eu lieu une heure avant qu'il ne prête serment, et il se retrouve alors inféodé à ce qu'il avait décidé de quitter. Mais dans ce monde, où la Bouteille, mécanisme subatomique, désigne dans le plus pur hasard le Maitre du Jeu, l'assassinat de ce dernier est largement encouragé, et Reese Verrick, l'ancien MJ, réunit logiquement la Convention du Défi, chargée de désigner l'assassin officiel, qui devra déjouer les ruses du Corps des télépathes chargés de protéger le MJ.

On retrouve quelques thématiques communes à Ubik (voire à l'auteur tout court), comme par exemple la dénonciation - plutôt légère - du capitalisme, ou un monde où les pensées les plus intimes peuvent être violées à n'importe quel moment, à l'aide des télépathes. Le disque lunaire est également développé, tout comme l'assassinat. Ce qui surprend en revanche, c'est le postulat de ce monde dominé par le jeu, où n'importe qui en possession d'une carte de pouvoir - ou ticket - peut être désigné par la Bouteille en tant que nouveau Meneur de Jeu. Cette pratique prend d'ailleurs ses racines d'une théorie plus ancienne, celle du Minimax, qui prône le hasard comme stratégie afin de ne pas être prévisible.

Tous ces thèmes sont, à mon avis, évoqués superficiellement, et bien qu'il y ait quelques réflexions plus ou moins intéressantes, le piment de ce livre ne se situe pas à ce niveau. En effet, les assertions de Dick concernant la Vie sont relativement plates, convenues même. Mais le plus dommageable c’est que la partie avec l’astronef semble servir uniquement à l’exposition de cette théorie. C'est donc du côté de l'histoire qu'il faudra chercher son plaisir, et qu'on le trouvera. Au coeur d'une pagination relativement modeste, où sont condensées toutes les trouvailles, se niche une histoire palpitante et plein de rebondissements. Le stratagème mis en place fait preuve d'une grande méticulosité, où le hasard, malgré l'omniprésence dans le monde décrit, n'a pas lieu. Un bon scénario au nombreux rebondissements qui nous accroche jusqu'à la fin.

Les personnages ne sont pas vraiment le point fort du livre, sans pour autant être laissés en plan. Ils sont simplement corrects. Quant au style, si l'on ne peut le qualifier de brillant, on le dira plaisant. Quelques répétitions se font parfois sentir, mais l'essentiel est respecté, il ne nuit pas au plaisir de lecture comme l'avait fait traduction d'Ubik.

Bref, un scénario rondement mené, avec quelques réflexions pas toujours intéressantes qui viennent parsemer le récit. A lire pour l'histoire pus que pour le message. Pour un premier roman, c'est un très bon jet.
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Les Monades urbaines - Robert Silverberg

Par Gizeus le 02/08/2011 à 11:05 Voir l'article
Considérée comme le point d'orgue de l'oeuvre de Silverberg, auteur prolifique de SF et grand ami d'Asimov, je me devais de lire Les Monades urbaines. Premier constat, le livre est composé de 7 épisodes ou nouvelles, qui s'intéressent à tour de rôle au destin d'une personne en particulier, que l'on retrouvera parfois dans une autre nouvelle par un jeu d'intertextualité, ou que l'on récupérera où on l'avait laissé.


Dans les monades urbaines, gigantesques tours de trois kilomètres de hauteur, tellement énormes qu'elles sont divisées en cités, vivent 75 milliards d'humains. La surpopulation est vaincue, et les hommes n'aspirent plus qu'à créer la vie, qu'ils considèrent la véritable offrande à Dieu. De fait, de nouvelles monades sont perpétuellement en construction pour accueillir l'excédent des autres tours. La promiscuité forcée à obligé les hommes à engager certains changements dans les moeurs, parmi lesquels on retiendra notamment une intimité réduite à néant et une libération sexuelle totale, cette dernière intervenant dans le cadre de la suppression des conflits. En effet, dans une société où l'on se marche presque sur les pieds, le moindre conflit peut s'envenimer rapidement, et c'est pourquoi l'on précipite du haut des monades, sorte de roche tarpéienne moderne, les "anomos", en d'autres termes les différents, les mécontents, les inadaptés sociaux.
 
A travers Les Monades Urbaines, Silberberg tente de nous brosser le portrait d'un futur qui aurait vaincu la surpopulation. Sous une couche utopique, comme le ressent la majorité des habitants, se cache un malaise profond qui touche uniquement certaines personnes. Ces anomos en puissance seront les protagonistes que nous suivrons tout au long des sept nouvelles. Evoluant dans un univers inadapté, ils tenteront malgré tout de résister avec leurs moyens à la normalisation imposée. Car deux sorts attendent les anomos: la "chute", ou bien la rééducation par la pensée. Une manière de dénoncer notre système actuel, où les "fous" sont souvent confiés à des psychiatres au nom de l'ordre public.
 
En dehors de cette normalisation, on retiendra surtout deux messages forts. Silverberg dénonce clairement l'incitation à créer la vie à profusion, comme si ce n'était qu'une vulgaire marchandise. En tant que lecteur, on a clairement l'impression que cette société se trompe dans sa vision du monde en créant la vie sans s'occuper de la qualité de vie et de sa valeur. Résumé grossièrement, on pourrait dire que la qualité importe moins que la quantité. Le second message concerne l'autre grand concept des monades : les balades nocturnes. Dans un monde où l'adultère n'existe plus, n'a plus cours puisque tout le monde couche avec tout le monde, où toutes les pratiques sexuelles - et relatives à la drogue également - ne sont plus taboues, cette liberté de forniquer avec tout un chacun peut apparaitre comme une libération immense. Paradoxalement c'est l'inverse qui se produit. Car lors des promenades nocturne, l'homme est implicitement poussé hors de chez lui, en quelque sorte chassé de son domicile.
 
Durant ces promenades, on s'apercevra vite que les classes sociales sont au contraire bien plus visibles qu'aujourd'hui. Divisées en cités, les monades abritent tous types de travailleurs "utiles à la société". En bas de l'échelle/monade, les travailleurs manuels, et en haut les dirigeants de la monade. Du plan horizontal au plan vertical rien n'a changé, le pouvoir se trouve toujours aux endroits les plus inaccessibles. Silverberg profitera également du cas Siegmund Kluver, jeune prodige appelé à devenir le maître de la monade 116, pour dénoncer les comportements amoraux des dirigeants, leurs débauches à l'abri des regards de la société bien pensante dont ils sont les gardiens moraux. Peu surprenant selon moi, et un peu trop banal.
 
Il y a tant d'autres choses à dire, comme l'extérieur de la monade, auquel un chapitre est dédié, ou encore la théorie de l'évolution selon SIlverberg (je suis très peu convaincu sur ce point). Ce que je retiendrai des Monades urbaines sera surtout un univers très fouillé, avec ses codes propres, mais également une critique que je trouve un peu faiblarde par moments. Souvent, je me demandais ce que l'auteur tentait de faire passer. En ce qui me concerne, cette dystopie ne m'est pas apparue horrible ou malsaine, comme le choc que j'ai pu éprouver avec 1984, simplement sympathique et agréable à lire. Cette impression est notamment due au fait que la critique ne m'est pas apparue assez incisive ou plus explicité par moments, l'auteur parlant à demi mots et n'approfondissant pas plus sa pensée. 


A lire aussi chez  lorhkan, Librairie Soleil vert
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